La prochaine séance du Café Littéraire, le mardi 12 avril, sera consacrée à la lecture de Diderot (Denis) que nous pourrons découvrir davantage lors de la Conférence UTL de Gerhardt Stenger, le lundi 9 mai.

Nous proposons de lire Jacques le Fataliste et Anny se fera un plaisir de nous faire partager son plaisir à déguster Les Lettres à Sophie Volland.
C’est pour son essai Une lignée de femmes, (L’Harmattan, 2015) que nous accueillons, ce mardi 8 mars, Journée Internationale des Droits des Femmes, Catherine Missonnier. Ajoutons qu’Aline l’a invitée en voisine puisque les parents de l’auteur, Éliane et André, ont acheté « dans l’île d’Oléron, un ensemble de petites maisons groupées autour d’un figuier » (p. 345) ; la sœur de l’auteur, Caroline, est venue agrandir notre cercle de lecture et répondra, elle aussi, volontiers aux questions.

Catherine MissonnierCatherine Missonnier confirme « j’aime raconter des histoires ». Certains connaissent son écriture comme auteur de livres de jeunesse ; on cite en particulier Mystère à Bord (1998), roman déjà largement autofictionnel en ce qu’il relate le voyage transatlantique de Marseille à Madagascar qu’elle présente dans le chapitre 48 de Une Lignée de Femmes (p. 309).

Ce récit chronologique, qui enjambe plus d’un siècle, présente le destin de quatre générations de femmes, dont Catherine Missonnier affirme sans barguigner : « nous ne sommes pas des femmes ordinaires /…/ toutes éduquées et enjointes de faire reconnaître leurs talents par la société au prix d’épuisantes batailles » (p.348).

On les suit en France et en Europe, on embarque pour les États Unis, ou encore pour Madagascar ou la Côte d’Ivoire… Si l’histoire débute en Picardie, en 1864, avec Charles, « un jeune curé bourguignon qui renia le catholicisme par conviction, pour devenir pasteur » (p. 12), elle est essentiellement celle d’une lignée de femmes, Charlotte, Marion, Éliane, Catherine, à savoir les ainées, qui vont transmettre le flambeau, même si c’est souvent « en allant chercher la chance avec les dents ». En effet, il leur faudra concilier leurs talents et leurs ambitions personnelles avec les contraintes de la société de leur époque ou de leur milieu, leur énergie vitale avec leur condition de femmes qui se présente trop souvent comme « une suite d’empêchements ». Pourtant, l’auteur s’efforce de positiver : « au terme de ce long travail d’écriture, il apparaît qu’elles ont en commun la faculté d’ouverture sur le monde, la ténacité, le goût de l’action, la fibre artistique et un je ne sais quoi de ce protestantisme un peu austère ».

Catherine Missonnier a apporté une partie des documents et archives qui lui ont permis d’écrire ce grand pan de l’histoire familiale, notamment un roman écrit et publié par Charlotte, un livret illustré « Apprendre à tricoter » conçu par sa mère Éliane, un temps journaliste à Marie-Claire, des albums photos et autres précieux carnets et journaux intimes. L’auteur raconte volontiers comment elle a procédé avec ce matériau authentique, comment elle s’est rendue sur les lieux, a interviewé ses ancêtres, recoupé et exploité les traces. Cette exploration a posteriori lui a permis de constater que « toutes ces femmes, étaient probablement en décalage, avec leur milieu, avec leur époque, avec leurs propres forces » ; c’est en écrivant qu’elle a pris conscience de « ce bancal qui les caractérise et témoigne d’un manque d’assurance affective ». Écrire ce récit a finalement « joué pour elle un rôle pacificateur ».

La conversation avec l’auteur se construit au fil des questions des participants. En voici quelques-unes :

  • En quoi vous sentez-vous l’héritière de Charlotte ?
  • Comment expliquer que ces femmes étaient à la fois si en avance sur leur temps et si conformistes dans leur désir de se marier ?
  • Comment expliquer que ces femmes reproduisent les haines, les jalousies, les incompréhensions ?
  • Comment se fait-il qu’elles soient aussi libérales dans l’éducation qu’elles offrent à leurs filles et dominatrices dans ce qu’elles en attendent en retour ?
  • Les hommes étaient-ils si faibles ? Pourquoi le mari de Charlotte, Joska, disparaît-il ainsi de la saga ?
  • Pourquoi ces femmes épousent-elles de tels hommes, et ce souvent sans amour ?
  • La question la plus complexe est sans doute celle qu’offre le sous-titre : Peut-on échapper à l’emprise de sa mère ?

 

Catherine Missonnier se prête volontiers au moment de dédicaces. Elle nous remercie pour nos lectures attentives qui font de ces moments d’échange une invitation « à réfléchir à la portée de ses mots ».

Compte-rendu du Café Littéraire du 8 mars 2016