Notre prochaine réunion est fixée au mardi 12 mai.

 

Après diverses suggestions, on retient L’homme incertain de Stéphanie Chaillou (Édition Alma 2015) et Joseph de Marie Hélène Lafon (Édition Buchet Chastel 2014), deux ouvrages qui évoquent sobrement le monde paysan aujourd’hui. Valérie présentera le roman de Stéphanie Chaillou (qui signera son livre à St Pierre, le 25 avril) ; Hélène C. présentera celui de M.H. Lafon.

 

 Le Café Littéraire du 14 avril se déroule en trois temps.

 Une première partie est dédiée à l’actualité. On partage quelques points sur le Salon du Livre de Paris, notamment à propos d’auteurs que lisent des membres du Café Littéraire ; citons Ken Follett et sa somptueuse trilogie Siècle, Marc Dugain, L’Emprise, ou encore Michel Onfray, avec Cosmos.

Nous évoquons la dernière publication de Erri de Luca, La parole contraire (Gallimard 2015), qui traite de l’histoire de son engagement, de sa responsabilité d’écrivain et développe, par-delà l’enjeu écologique, une réflexion sur la liberté d’expression. L’écrivain est accusé par la justice italienne pour son soutien à la lutte contre le projet du TGV Lyon-Turin, il risque d’être condamné eu égard à l’usage du terme « sabotage ». Rappelons que Erri de Luca est un des auteurs italiens contemporains les plus lus ; quelques titres : Les poissons ne ferment pas les yeux (Folio), Le poids du Papillon (Folio 2011), Le Tort du Soldat (Gallimard, 2014)…

 Un instant à propos de la mort, le 13 avril, de Gunther Grass, écrivain allemand, Prix Nobel de littérature en 1999, sans doute l’occasion de lire ou relire Le Tambour.

 Et celle François Maspero, le 11 avril, éditeur militant, traducteur de Sepulveda, Zafon, etc.

 Une seconde partie consiste à proposer nos livres « coups de cœur ». Valérie suggère les nouveautés appréciées par son équipe, parmi lesquelles on peut retenir : Jacob, Jacob de Valérie Zenatti ; La bibliothèque des cœurs cabossés de Katarina Bivald ; Amours de Léonor De Récondo ; ou encore Les Sangs d’Audrée Wilhelmy ( Grasset 2015), évocation originale de Barbe Bleue raconté par ses femmes…

 Les membres du Café Littéraire proposent aussi : Les nouvelles de Russell Banks, Un membre permanent de la famille (Actes Sud 2015) et le dernier Lionel Duroy, Echapper (Julliard 2015).

 Duroy sera présent au Salon CitaLivres au Château d’Oléron ; Josyane Savigneau conduira l’entretien le dimanche 26 avril à 15 h 30. Le programme détaillé du salon est disponible sur le site Cita’Livres.

  La troisième partie est consacrée à l’ouvrage de Carrère, D’autres vies que la mienne.

 Claudine nous propose une présentation de l’auteur, auteur, réalisateur, traducteur, biographe (notamment de l’auteur américain, Philip K. Dick que Gérard nous incite à lire, si ce n’est déjà fait !). On rappelle la célébrité de sa mère, Hélène Carrère d’Encausse, ou celle plus médiatique de sa sœur, Marina, ceci comme pour excuser, puisque le reproche lui en est souvent fait, l’omniprésence de l’auteur dans tous ses romans et l’insistance qu’il met à citer ses romans précédents dans chaque nouvel ouvrage.

 Une rapide présentation de son œuvre permet de voir à quel point Emmanuel Carrère est un conteur capable de traiter de personnages et d’événements complexes avec une extraordinaire simplicité, de susciter des réflexions et de faire partager ses émotions fortes. De livre en livre, il semble que son écriture soit de plus en plus affirmée; il se bonifie ; il semble capable de prendre ses distances avec ses propres démons. L’écriture est un itinéraire d’apaisement. Dans Le Royaume, publié en 2014, Carrère mentionne: « quand est paru D’autres vies que la mienne, de nombreux lecteurs m’ont dit que ça les avait fait pleurer, que ça leur avait fait du bien/…/ mais quelques-uns /…/ qu’à eux ça leur avait fait du mal. Il n’est question dans ce livre que de couples – Jérôme et Delphine, Ruth et Tom, Patrice et Juliette, Etienne et Nathalie, Hélène et moi- qui en dépit des épreuves terribles qu’ils traversent s’aiment vraiment et peuvent tabler là-dessus » (p. 429).

 Si on le taxe volontiers de narcissique, alors même qu’il choisit de croquer des personnages forts (L’adversaire ou Limonov, par exemple), on peut dire que le titre de ce roman, D’autres Vies que la mienne, sonne comme une déclaration d’intention. Il se place en témoin de vies qui ne sont pas la sienne. Il écrit pour répondre à une demande qu’on lui a faite comme professionnel de l’écriture, « j’ai envoyé le livre à Etienne et à Patrice /…/ ils pouvaient me demander d’ajouter, de retirer ou de changer ce qu’ils voulaient, je le ferais ». Il sait écouter, il sait rendre compte de la tragédie (celle du tsunami qui emporte la petite Juliette), de la maladie (le cancer qui emporte la deuxième Juliette), des souffrances, des injustices (deux personnages sont des juges très engagés), de la mort, mais aussi de l’amour et de la force de vie. Carrère dit les choses sans tabou, avec le mot juste. La violence de son écriture est à la mesure de la violence des événements. Il précise « la vie m’a fait témoin de ces deux malheurs/ …/ et chargé d’en rendre compte ». Style incisif, souci de tracer avec une objectivité pudique les parcours de vie dans leur exemplarité, habileté à reproduire ce qui relève du discours intérieur, sur le sens de la vie, les engagements, les forces et les faiblesses des individus.

 Carrère expose en filigrane la procédure qu’il a adoptée : rencontrer Patrice, le mari de Juliette, et Etienne, l’ami et collègue de Juliette qui raconteront chacun de façon très sincère qui ils sont et qui était Juliette ; mais aussi faire lire le roman avant publication de façon à ce que la vie privée de « ceux qu’il concernait » soit rendue telle que souhaitée par les différents protagonistes.

 Parfois au Café Littéraire, un bonus est offert ! Fin de séance exceptionnelle : Catherine C. appartient à la famille de Patrice, le mari de Juliette. Elle peut alors nous confirmer que Carrère écrit « vrai » et nous donner des nouvelles de certains « vrais » personnages du roman !

Compte-rendu du café littéraire du 14 avril 2015