Agenda
Le 24 janvier 2023, on lira Mrs Dalloway de Virginia Woolf (1925) et Les Heures de Michael Cunningham (1998) ; on fera également référence à l’adaptation cinématographique The Hours de Stephen Daldry (2002).
On a lu, on lira
Emmanuelle Lambert, Sidonie Gabrielle Colette (Gallimard, 2022).
J.C. Oates, La fille du fossoyeur (Points, 2008).
Leonardo Padura, L’Eau de toute part, Vivre et Écrire à Cuba (Métailié, 2022).
Annie Ernaux, prix Nobel de Littérature 2022
On a pu constater que l’attribution du Prix Nobel de Littérature à cette écrivaine déclenche des discussions passionnées et alimente moult polémiques. Les jurés du Nobel ont salué « le courage et l’acuité clinique avec lesquels elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle« . Le discours de réception est disponible sur le site de la Fondation Nobel.
Depuis Les Armoires vides, en 1974, Annie Ernaux a publié une vingtaine de romans et récits autobiographiques, dont le dernier (et le plus court, 48 p.), Le Jeune Homme (2022). Nous avions consacré une séance du Café Littéraire (septembre 2016) à la lecture de Mémoire de fille et Les Années.
Pour cette séance consacrée au Nobel, nos échanges nourris s’articulent majoritairement sur trois axes.
La dimension autobiographique
Annie Ernaux se dit ethnologue d’elle-même. Là où d’aucuns voient dans ses romans étalage répétitif de son intimité, voire nombrilisme, d’autres apprécient sa capacité à écrire le vrai comme un document clinique et distancié. Au fil du récit singulier de sa propre existence, elle cherche à dire avec authenticité l’expérience de sa condition de femme pour mieux convoquer l’universel de la condition féminine et témoigner de son engagement. On cite ou on lit des extraits de La Place, La Honte, L’autre Fille, L’Événement, Une Femme, Je ne suis pas sortie de ma nuit…
Le style
L’autrice accorde une grande importance à la question du comment dire son vécu sans se laisser trahir ni par les émotions ni par les codes bourgeois du bien-écrire. Son expression écriture plate, parfois mécomprise, figure dans La Place (1982). Si d’aucuns y perçoivent écriture banale, lexique simple, d’autres au contraire apprécient un ton novateur, une recherche permanente de la juste formulation pour aller au plus essentiel. Cette interrogation jalonne quasiment toute son œuvre et montre, s’il en était besoin, à quel point le style d’Annie Ernaux est travaillé, pesé. On cite, entre autres, L’Écriture comme un Couteau, L’Atelier Noir. On a aussi le privilège de passer de main en main une lettre manuscrite authentique, datant de 2019, qu’Annie Ernaux a rédigée pour répondre à la production d’un lycéen nantais, inspiré par ses lectures…
L’évocation du passé
Bon nombre des pages d’Annie Ernaux relatent sa famille, son enfance, son ascension sociale, ses rencontres et relations, la vieillesse de ses parents, etc. Si d’aucuns y perçoivent une écriture mémorielle, voire nostalgique, d’autres y lisent bien davantage ses engagements personnels et politiques : J’écrirai pour venger ma race. C’est avec Les Années (2007) qu’elle lie son histoire avec l’Histoire et que la dimension personnelle rejoint la dimension sociologique.
Le film, réalisé avec son fils en 2022, Les années super 8, va dans ce sens ; la présentation qu’elle en propose pourrait signer son œuvre : En revoyant nos films super huit pris entre 1972 et 1981, il m’est apparu que ceux-ci constituaient non seulement une archive familiale mais aussi un témoignage sur les loisirs, le style de vie et les aspirations d’une classe sociale, dans la décennie qui suit 1968. Ces images muettes, j’ai eu envie de les intégrer dans un récit croisant l’intime, le social et l’histoire, de rendre sensible le goût et la couleur de ces années-là.
Reste à savoir si la jeune génération se sent concernée par l’œuvre d’Annie Ernaux.