Plaisir de nous retrouver pour partager nos livres favoris ! Grand merci à l’équipe de la médiathèque de nous accueillir dans les conditions adéquates.

Lire Joyce Carol Oates

En cette période de prix, nous imaginons que J.C. Oates, 83 ans, autrice de plus de 80 romans dont le prochain, La nuit. Le sommeil. La mort. Les étoiles. paraitra en France mi-octobre, aura un jour le Nobel de Littérature …
Anny présente Paysage Perdu (2017) ; Oates dit avoir mis plus de vingt ans pour écrire ces pages autobiographiques, émouvantes, éclairantes. On y retrouve moult éléments présents dans son œuvre, les lieux (le Niagara des Chutes, par exemple), le milieu naturel et le peuple besogneux de sa petite ville d’enfance par opposition à celui des classes privilégiées qu’elle côtoie très tôt, sa famille (un chapitre bouleversant sur sa sœur autiste), son couple, ses engagements comme ses convictions. On relève volontiers ses réflexions sur le métier d’écrivain : « l’œuvre d’un écrivain est une transcription codée de sa vie« . On retient cette formule si vraie pour la lecture de Un Livre de Martyrs Américains : « Écrire, c’est montrer comment les êtres négocient avec la violence« .

En dépit de quelques longueurs, la majorité des participants a vraiment apprécié Un Livre de Martyrs Américains, tant pour le fil conducteur, inspiré de faits réels, que pour la complexité des questions posées (l’engagement inconditionnel au service d’une cause, la primauté des lois face aux règles religieuses, la peine capitale, la violence des hommes comme celle des institutions…). La finesse d’analyse des comportements des divers protagonistes, le réalisme des situations dramatiques solidement documentées, la portée éthique, sociologique et politique du récit, sont autant de traits qui jalonnent la lecture de ces 860 pages.

J.C. Oates met en scène deux martyrs, Gus Voorhees, le médecin avorteur du Centre des Femmes, militant pro-choix, et Luther Dunphy, soldat de Dieu, militant pro-vie. Chacun se sent investi d’une mission qui suppose de sacrifier non seulement sa propre existence, mais celle de toute sa famille, ici sur trois générations. Le récit ne se limite pas à ce tragique face-à-face. Oates croque sans tabou Jenna, la femme de Gus, et Edna, la femme de Luther, lorsque, après l’assassinat, elles vont chacune « entamer une nouvelle saison de leur vie ». Idem avec les filles respectives, Naomi et Dawn, qui sauront agir autrement que comme des victimes de « dommages collatéraux ». Grâce à la densité de tous ses portraits, Oates donne la parole à l’entourage des deux martyrs, tout comme elle rapporte celle des témoins ou des avocats de chaque camp. Elle tisse ainsi une magistrale argumentation propre à interroger le lecteur. Qui sont ces martyrs américains ? Le titre souligne à quel point son propos dépasse la question initiale du droit à l’avortement. Le procès de Luther doit être interrompu le 11 septembre 2001; c’est là qu’Oates délivre sans compromission un aperçu de la société américaine dans toutes ses contradictions, « un immense désert religieux et patriotique », et ce long roman comme « une quête de vérité« .

Sur le thème de l’avortement aux États Unis, plusieurs d’entre nous ont lu le roman de John Irving, L’œuvre de Dieu, la part du Diable, un autre « tourne-pages » (830 p.). Le Dr Larch assure l’œuvre de Dieu en mettant au monde des enfants non désirés (les femmes viennent en cachette accoucher et abandonner leur progéniture) et en les protégeant à l’orphelinat. Si les patientes le souhaitent, il réalise la part du diable en pratiquant des avortements.

On a lu, on lira

On échange nos impressions de lectures, celles évoquées lors de précédentes séances (Anna Hope, Laurent Mauvignier, Lionel Duroy…), ainsi que de nouvelles suggestions : Là où chantent les écrevisses de Delia Owens (Poche, 2020); Marie Blanche, Au Fil de la Vie de Jim Fergus (Le Cherche Midi, 2021); Blizzard, premier roman de Marie Vingtras (L’Olivier, 2021).

Agenda

Quelques mots à propos du programme UniPop, Arts, littérature et cinéma. Après Eugénie Grandet, une adaptation cinématographique de Marc Dugain, on reprendra encore un peu de Balzac avec le film Illusions Perdues.

On pourra rencontrer Wilfried N’Sondé, auteur publié chez Actes Sud, pendant le 12ème Festival Visions d’Afrique du 20 au 26 octobre 2021.

Prochaine séance le 16 novembre. On échangera sur le thème Écrire sur le père, avec 3 romans de la rentrée littéraire : Enfant de Salaud, Sorj Chalendon; La Volonté, Marc Dugain; Premier Sang, Amélie Nothomb. (Chacun retiendra l’ouvrage de son choix).

Joyce Carol Oates, café littéraire du 5 octobre 2021