Séance exceptionnelle ce vendredi 23 octobre, nous rencontrons Allain Glykos pour la sortie de son dernier ouvrage, Poétique de Famille, ainsi que la réédition de quatre titres réunis sous l’intitulé N’en Parlons Plus (L’Escampette Editions, septembre 2015).
Catherine présente Allain Glykos et rappelle sa première venue au Café Littéraire, en décembre 2011, puis les rencontres qui ont suivi, lors des parutions de Parle-moi de Manolis ou de la projection de son film Des lumières, des abîmes aussi. Elle introduit Poétique de Famille, un récit largement autobiographique, en lice pour Le Prix de l’Humour Noir 2015.
Allain Glykos éclaire le sens du titre de ce « Récit » essentiellement sur le plan de la langue utilisée, « une poésie qui sublime la langue de la tribu ». En effet, les lecteurs du Café Littéraire ont pu être dérangés, et par le thème, la fratrie réunie à l’occasion de la mort du père règle quelques comptes au moment où il faut « penser à toutes les formalités » ou « vider la maison /…/ de toutes ces petites merdes accumulées» ; et par le ton volontiers « caricatural » (pour le pot, qu’est-ce qu’on prévoit ? Un peu de viande froide ?) ; et par l’écriture, en forme de dialogue dont les protagonistes ne sont pas clairement identifiés. L’objectif avoué est de « hisser cette langue de tous les jours au niveau d’une poétique », de « se perdre dans le langage du quotidien, sans analyse ni commentaire, au point de ne plus vraiment savoir qui parle». « Le Récit est une expérience d’écriture qui s’est imposée à moi comme une pièce de théâtre d’ombres » ajoute Glykos, qui éclaire ainsi la signification du chapitre final, à savoir que ce dialogue quelque peu informel serait la répétition d’une pièce de théâtre jouée par des fous. La forme retenue, et longuement travaillée car elle est bien plus qu’un pseudo-enregistrement d’échanges sur le vif, souligne combien la parole est lourde dans les familles « pas si simple peut-être de retenir tous les silences, tous les moments où on aurait voulu dire quelque chose et où les mots n’ont pas pu sortir ».
La pirouette finale de ce Récit ouvertement autobiographique permet de rassurer la fratrie qui pourrait se sentir blessée tant les personnages et les comportements sont transparents. Glykos dit avoir remis son livre à son frère qui a aimé et à une de ses sœurs dont il ignore la réaction.
Nous voici de nouveau confrontés à la question du « faut-il tout dire au risque de mettre en péril les relations familiales ? » que nous avions abordée précédemment à propos de nos lectures d’Emmanuel Carrère ou de Lionel Duroy. La réponse de Glykos est sans ambigüité : « ce sont les phrases que j’entends qui déclenchent l’envie d’écrire » ; et « pour moi, ce qui est important c’est d’écrire, et tant pis, j’écris pour moi » ; et encore « en littérature, rien n’est exact, mais tout est vrai ».
Aux lecteurs qui s’interrogent sur la violence des haines familiales perceptibles sous les moments pleins d’humour et de dérision, et sans doute de tendresse, Glykos argue de la violence qui fait l’universalité des tragédies grecques, de la tradition de la cruauté dans les fratries.
L’échange questions-réponses avec Allain Glykos permet d’aborder également des points de vue sur l’accès à l’art en général. On rapproche le ton de Poétique de Famille de l’atmosphère des films Jaoui/Bacri comme Un Air de Famille, le Goût des Autres. On s’interroge sur ce qu’est un roman d’auteur ou encore ce qui fait qu’un auteur est « un grand auteur », au même titre qu’un grand scientifique ou un grand peintre. Glykos, philosophe des sciences et des arts, montre à quel point le lecteur gagne à connaître les codes pour pouvoir « entrer dans un livre », tout comme on appréciera d’autant plus telle ou telle œuvre picturale quand on en connaîtra les intentions, le contexte et/ou la démarche de création. Ce sympathique moment d’échange avec Allain Glykos est en cela particulièrement fructueux.
Nous attendons la sortie de son prochain livre dont le titre devrait être : le Gilet de Sauvetage.