Rappel pour les prochaines séances

L’équipe d’animation du Café Littéraire assurera les entretiens avec les auteurs invités à La Médiathèque de St Pierre d’Oléron dans le cadre du Salon Cita’Livres. Le 5 avril, rencontre avec Marcus Malte, prix Femina 2016 pour son roman Le Garçon ; le 6 avril, rencontre avec Lionel Duroy ; le 7 avril, rencontre avec Pierre Assouline.

Le 2 mai, nous nous retrouverons pour un Café Littéraire consacré au livre d’Irène Frain, Marie Curie prend un amant(2015, Points). A noter que Marie Curie, une pionnière de génie sera le sujet de la conférence de l’UTL le 27 mars.

La rencontre avec Sophie Chauveau à propos de La Fabrique des Pervers (Gallimard, 2016).

Anny présente les grandes lignes du parcours de l’auteur en soulignant son exceptionnelle force de travail, la permanence de ses engagements, la qualité et l’importance de ses publications depuis 1982, essais, romans, biographies, ouvrages d’art. Les biographies d’artistes (Boticelli, Lippi, Fragonard, Vinci, Manet…) sont plébiscitées par les participants présents. Le bel ouvrage d’art récemment paru, (D)Écrire La Beauté(Omnibus, 2016), est là comme pour illustrer ce qu’auraient pu être les ultimes lignes de La Fabrique des Pervers : «on en revient, sans doute différents de ce qu’on aurait été sans cela, mais debout et vivants. ‘Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté ‘» (p. 267).

Notre invitée ne manque pas de compléter cette entrée en matière biographique et bibliographique, établissant de facto un sincère échange avec le cercle de lecteurs. Elle commente sans ambages quelques-uns des points sensibles qui figurent dans les pages de son terrible récit : «C’était si triste l’enfance» (p. 169), ou «Père ignorait l’existence des autres » (p. 203), et encore «Mère, mon absente à jamais» (p. 159), tout en soulignant «combien il est difficile de prendre la responsabilité de ne plus aimer ses parents». Quand un lecteur s’étonne ou s’émeut devant tant d’horreurs, elle est là pour dire avec un magnifique détachement que ce récit était impérieux. Elle rappelle la genèse de cet écrit, expose sa longue et systématique «démarche d’enquête auprès des victimes et des bourreaux»  et confirme : «tout est vrai». Si pour le roman Noces de Charbon, une déjà vraie histoire de famille, existent bien sûr «des arrangements avec le réel», pour La Fabrique des Pervers «faire un roman n’a pas été possible, tout m’est resté dans la gorge».

Que les participants aient lu ou non le livre, les questions que posent les dérives monstrueuses de cette famille bourgeoise ne manquent pas, parce que ça n’arrive pas que chez les pauvres ni chez les pauvres d’esprit. Tant s’en faut. Ca se passe aussi et peut-être surtout dans la haute» (p. 51).
Sophie Chauveau parle comme elle écrit, avec une sobre indignation, une justesse de mots, une habileté à détricoter sans tabou, et non sans humour, la complexité des relations familiales. Elle explique sans esquiver, elle analyse subtilement, elle témoigne pour «faire la lumière à partir des fissures», pour tenter de comprendre «sans affect», et surtout pour mettre fin à l’inacceptable, à savoir qu’ «un être humain en abuse un autre». Les objectifs d’un tel ouvrage dépassent largement son histoire personnelle. Il s’agit de prendre en compte les multiples aspects sociaux, ataviques, mimétiques, psychologiques, juridiques, … pour dénoncer les pervers et mettre en garde les victimes.

Il s’agit de mettre un terme à ce qui perdure sous l’appellation actuelle de «climat incestuel». Il s’agit d’un combat politique. Aux lecteurs qui l’interrogent sur le fait de «se livrer» dans un ouvrage clairement autobiographique, elle confirme ce qui figure dans son récit, à savoir la difficulté à dire l’indicible, à mettre à jour des violences, à remémorer des souffrances, à exposer des comportements inacceptables, tout en évitant l’écueil du voyeurisme : «Aucun vocabulaire à disposition pour qui veut se plaindre. Or sans mots, comment penser ? Comment panser ? Les mots crus aussi bien que les paraphrases sont des pièges» (p. 90).

Sophie Chauveau nous éclaire également sur la démarche éditoriale qui va de la nécessaire anonymisation des protagonistes à la soigneuse relecture de l’ouvrage par un collège d’avocats pour éviter de probables ennuis judiciaires. Alors, même si les Arthur,Robert, Yvonne et autres Philppe C. et toute leur lignée peuvent évidemment se reconnaître, même si Père, sœur et cousinage sont encore de potentiels lecteurs et/ou contradicteurs, l’essentiel est dit «N’oubliez pas que la Loi fondatrice de nos civilisations repose sur l’interdit de l’inceste» (p. 273).

Petit secret : Sophie Chauveau travaille (assidûment) sur une biographie de peintre ; alors, on reste en alerte et dès la parution, on lui ouvrira tout grand les portes de notre Café Littéraire.

Nous remercions nos libraires qui ont efficacement accompagné la séance de signature et l’équipe de la médiathèque qui nous accueille chaleureusement.

Compte-rendu du Café Littéraire du 7 mars 2017