Agenda

Nous nous retrouverons exceptionnellement un lundi, le 29 avril 2019 pour lire La Malchimie (Actes Sud, 2019) de Giselle Bienne, une des auteures invitées au salon Cita’Livres 2019.

Le 12 avril, à 19h, la librairie Le Coureau à Marennes accueillera Joseph Ponthus pour À la ligne ; Feuillets d’usine (La Table Ronde, 2019), un premier roman, l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons.

On a lu et on recommande vivement !

Franck Bouysse, Né d’aucune femme ; La Manufacture de Livres, 2019

Chahdortt Djavann, Les Putes voilées n’iront jamais au paradis ; Grasset, 2016 ; Livre de Poche

Marc Durin-Valois, Chamelle ; JC Lattes, 2004 ; Livre de Poche

Alain Mabanckou, Les Cigognes sont immortelles ; Seuil, 2018

Atiq Rahimi, Les Porteurs d’eau ; POL, 2019

Chimamanda Ngozi Adichie, L’autre moitié du soleil ; Gallimard, 2008 ; Folio

Bakhita (Albin Michel, 2017)

Véronique Olmi s’est fait connaître comme dramaturge, metteur en scène et comédienne, co-fondatrice du Théâtre des Femmes, puis comme romancière. Son premier roman, Bord de Mer est publié en 2001. Ses histoires avancent comme des tragédies sur fond de misère sociale et de cruauté de l’homme envers son semblable. Olmi montre volontiers, et toujours sans pathos, le mal qui affecte profondément la vie des enfants, par exemple dans Bord de Mer ou La Nuit en Vérité, mais aussi leur incommensurable capacité de résistance ; c’est ce qu’on va trouver également chez Bakhita.

Dans ce 13ème roman, aujourd’hui traduit dans une dizaine de langues, Véronique Olmi écrit la biographie romancée de Joséphine Bakhita (1869-1947) devenue sainte patronne du Soudan. L’auteure raconte volontiers la genèse de ce livre : « Bakhita est la sainte patronne de l’église Saint-Jean-Baptiste à Langeais, en Touraine, où je possède une maison. Je suis entrée dans l’église, un jour. Il y avait son portrait, quatre ou cinq dates. Cela m’a happée. J’ai abandonné le livre que j’écrivais pour me jeter corps et âme dans l’histoire de Bakhita. J’ai vécu pour elle, par elle, pendant deux ans  ! » Cf. séance de LGL (octobre 2017). « Je suis allée sur ses traces en Italie, j’ai rencontré les soeurs canossiennes dont elle était membre, j’ai visité les couvents de Vénétie où elle est passée, les endroits où elle fut domestique. Elle est morte en 1947 à Schio (Italie) où toutes les vieilles dames – des petites filles quand Bakhita a disparu -, se souviennent encore d’elle ». « On pense aux jeunes filles enlevées par Boko Haram, on pense aux jeunes enfants enlevés dans les pays d’Afrique pour travailler dans les plantations de cacao. C’est le mal qui perdure, c’est l’inhumanité qui perdure » ; « Et aussi aux enfants migrants seuls dans Paris et victimes des passeurs, offerts à toutes les violences ».

Pour écrire cette histoire, Véronique Olmi a puisé dans L’Histoire merveilleuse de Madre Giuseppina Bakhita, un récit extorqué à Bakhita pour servir la propagande colonialiste de l’Italie catholique. Ce récit parait en 1931 sous forme de feuilleton. Gérard nous rappelle les principaux événements de cette Storia Meravigliosa et nous constatons à quel point Véronique Olmi est fidèle au récit historique. Le roman suit l’ordre chronologique de la vie de Bakhita ; la première partie concerne les vingt premières années de sa vie d’esclave (elle est affranchie en 1889) ; la seconde, sa vie de sœur canossienne, Madre Moretta, jusqu’à sa mort en 1947.

La lecture de Bakhita montre à quel point la littérature permet de rencontrer l’histoire. C’est notamment sur ce point que porte la discussion ; d’aucuns reprochent à Olmi d’avoir brodé sur la violence des trafics d’esclave, d’avoir retenu les détails choquants, décrit des scènes très dures, quand d’autres au contraire apprécient cette reconstitution d’un tragique parcours de séparations, d’arrachements, cette dénonciation du comportement des maîtres vénitiens, ce témoignage poignant d’une vie hors du commun. Comme le dit Bakhita lorsqu’on lui demande de raconter son histoire, « Est-ce que les histoires sont vraies ? Est-ce que les souvenirs sont les siens ? Rien n’est vrai que la façon dont on le traverse. ».

La deuxième partie, « De la liberté à la sainteté », partage les lecteurs. Si Bakhita est devenue sœur cannossienne, est-ce un véritable choix, son credo est-il un acte de foi délibéré ? ou bien a-t-elle été manipulée, instrumentalisée ? « A vingt et un ans, elle a ce mélange de vulnérabilité et de force, son énergie est puissante, son intelligence profonde ». On s’accorde sur la formule de Véronique Olmi pour dire ce qui fait la profondeur tragique de son personnage : « Bakhita, c’est l’insoumission de celle qui obéit toujours ».

Nous aurons sans doute plus d’une question à poser lors de la rencontre avec Véronique Olmi, présidente d’honneur de Cita’Livres (27-28 avril 2019).

Café Littéraire du 19 mars 2019 : Véronique Olmi, Bakhita